Deux ans après l'accession au trône de Mohammed VI
Le Maroc face à la mondialisation

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Lundi 2 août 2001 au petit matin une certaine ferveur royale règne. Tout le Maroc célèbre l'accession au trône deux ans auparavant de Mohammed VI que la presse marocaine qualifie  de "Rois des pauvres"

 Le 2 août 2001, le roi du Maroc, Mohammed VI, célébrait le deuxième anniversaire de son accession au trône. Il y a deux ans ce changement avait généré un immense espoir parmi la population jusqu’à ce que Mohammed VI soit qualifié de roi des pauvres, sans doute pour montrer une rupture avec les années de plomb qu’avait fait subir son prédécesseur le rois Hassan II à tous ses opposants politiques.

On pouvait constater après l’accession au trône de Mohammed VI un certain développement de l'action sociale au Maroc d’une manière plus substancielle que par le passé : avec la mise en place de certains programmes d’alphabétisation (taux d’analphabétisme avoisinant les 50% de la population selon le PNUD*) et d’amélioration de l’habitat. Il n’en reste pas moins que les habitants doivent subir depuis plusieurs années consécutives, une vague de sécheresse qui incite, de plus en plus, une population rurale à gonfler les innombrables bidonvilles entourant les principales villes du royaume.

 

Aux conséquences de la sécheresse on peut aussi additionner celles de la mondialisation économique qui frappe le pays à plusieurs niveaux :

 

Il y a tout d’abord les processus d’exploitation d’une main d’œuvre bon marché. Ainsi ce n’est un secret pour personne de voir au Maroc le développement considérable de l‘industrie textile. Que dire de ce ballet incessant de camions immatriculés en Grande-Bretagne devant une usine textile de Salé où des ouvrières travaillent dure et dans des conditions de sécurité très précaires pour un salaire de quelques centaines de dihram par mois (1,5 dirham = 1franc). Il est vrai que dans ce pays comme dans beaucoup d’autres endroits la pression du chômage s’exerce d’une manière cruelle avec un taux qui atteint plus de 20%. Ainsi selon des statistiques récentes un marocain sur cinq vivrait avec moins d’un dollar par jour.

 

Dans un tel contexte de pauvreté les services publics sont aujourd’hui menacés. Le Maroc, comme beaucoup d’autres pays, voit sa situation financière étranglée par le poids de la dette qui représente environ le tiers du budget. Dans ces conditions on imagine aisément comment les populations peuvent accéder que très difficilement à des services publics de base, comme l’éducation, la santé ou l’eau. Pour ce qui est de l’eau, le PNUD indique qu’en 1999 : 18% de la population ne disposaient pas d’un point d’eau à proximité. Dans les prochains mois, la liberté d’accès aux services publics ne va pas s’arranger, quand on découvre sur place la mise en œuvre des dogmes prônés par le FMI en matière de privatisation. Ce transfert vers le privé entraîne un surcoût pour les usagers transformant les services publics en service de luxe comme c’est le cas pour les télécommunications aujourd’hui, complètement privatisées ou les chemins de fer (projet en cours)…

 

La crise sociale : le lit des intégristes

 

En Europe occidentale, on est trop peu sensibilisé aux conditions de vie des populations dans les bidonvilles : hygiène désastreuse, variations climatiques (chaleur terrible sous les tôles en été, froid glacial en hiver), épidémies, maladies parfois engendrées par les industries toutes proches, violence… Cette situation sociale, certains fondamentalistes parmi les musulmans y ont bien pris la mesure des carences de l‘Etat. Les bidonvilles sont truffés de mosquées et les enfants bénéficient de plus en plus d’une certaine éducation religieuse. Résultat : dans certains de ces quartiers, une partie importante de la population, exprime sa sympathie pour des mouvements fondamentalistes.
 

Des difficultés d’action pour le mouvement social
 

Face à cela les mouvements démocratiques sont confrontés à une réelle difficulté pour toucher l’opinion publique pris entre le pouvoir répressif de l’Etat, une certaine censure des médias et le discours simpliste des « barbus ».

Militer dans une organisation en lutte pour l’accès aux droits est vraiment au Maroc une autre affaire que de militer en France. Avec l’avènement du jeune roi on aurait pu croire à un assouplissement du régime. Or, depuis quelques mois, les militants se heurtent à une répression policière relativement féroce : matraquage de militants et interdiction de manifester devant le parlement à Rabat, détention de militants dans une prison à Fès pour le simple délit d’avoir manifesté, répression d’ouvriers près de Taourirt pour avoir accompli une marche revendiquant le versement des allocations et des salaires non versés depuis plusieurs mois…

Depuis un an, une nouvelle association a fait son apparition dans le paysage marocain : il s’agit de l’association Attac. Constituée comme en France, de simples citoyens, de militants originaires de différents partis progressistes, d’associations de chômeurs, de défense des droits de l’homme... Attac Maroc vient d'obtenir très récemment le récépissé de sa légalisation.

Après les évènements de Gênes, et plus encore maintenant avec les attentats qui se sont déroulés aux Etats-Unis la question de la mondialisation est une question qui intéresse beaucoup les Marocains. Les discussions que j’ai pu avoir y compris avec les moins militants d’entre eux montrent que les évènements de Gênes ne les ont pas laissés indifférents et ont contribué à renforcer la vision extrêmement négative d’une dualité entre les pouvoirs financiers planétaires et les laissés pour compte. Dans ces mêmes discussions j’ai pu mesurer combien le Maroc subit une crise, latente, qui pourrait déboucher sur des troubles dont il est difficile de définir les contours. J’ai remarqué aussi que la cause palestinienne mobilisait l’attention partout et que la position française est vraiment jugée comme prenant trop le parti d’Israël.

Dans ce climat politique un peu coincé entre un pouvoir encore répressif des libertés et une mouvance fondamentaliste exerçant trop son influence sur les couches les plus populaires, la place pour un combat au service de la démocratie et des droits humains reste difficile à tenir.

Guillaume Bertrand.
Septembre 2001

*Programme des Nations Unies pour le Développement Humain – Rapport consultable à la MDH.

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L'impressionnante mosquée Hassan II de Casablanca tronant sur l'océan Atlantique du haut de ces 180 mètres. Construit par Bouygues, elle a couté entre 4 et 5 milliards de dollars au peuple marocain.

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A gauche, une prison de Fès : Au moment de la prise de de vue, des militants étaient encore emprisonnés pour le simple fait d'avoir participé à une manifestation

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Vision surprenante au Maroc d'une banderole revendicative posé sur une façade d'un immeuble à Rabat posant le problème de la situation des étudiants chômeurs diplomés au Maroc
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"Nous ne vivons pas, nous sommes enterrés vivant. Il faut nous sortir de cette situation" tels sont les propos de ces deux jeunes femmes qui auront le courage d'exprimer la détresse de leur vie dans ce bidonville de Salé comptant plusieurs milliers d'habitants. Nous sommes au mois d'Août, sous ces tôles c'est une vrai fournaise et l'eau n'est pas accessible tout près.

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Ci-contre une usine de vêtements à Salé : un exemple de dumping social et environnemental à en juger par le défilé des camions immatriculés essentiellement en Angleterre. Il n'est pas rare de trouver des ouvrières payés 300 à 400 dirhams par mois (200 à 270 francs).

Selon plusieurs témoignages, un autre problème est constitué par la pollution s'échappant de cette cheminée interdisant aux habitants d'ouvrir leurs fenêtres à certaines heures et provoquant des maladies chez les enfants. En août 2001 rien n'avait changé malgré des protestations formulées par les habitants riverains.

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Symbole de la mondialisation et de la domination du monde par les plus grandes firmes : cet âne transportant des caisses de Coca-Cola à travers les ruelles étroites de Fès.

Au Maroc il est difficile d'échapper à Coca-Cola tellement cette multinationale dispose d'un contrat d'exclusivité dans la distribution de ses produits dans les débits de boisson.

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Mosquées au milieu des bidonvilles de Salé, c'est aussi un terrain de prédilection pour les intégristes islamiques.
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Photo d'ATTAC Marrakech - 1er mai 2001
ATTAC Marrakech participe pour la première fois à la manifestation du 1er mai

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