Rencontres Infos 44 - Mai 2002

 

1 - Comme si tout flottait...

Pure supposition : il ne reste plus,  en 2007, dans les archives, que le n°43 de Rencontres Infos comme témoin de la vie politique en France au printemps 2002, avant la première élection présidentielle quinquennal. Dans ce n° de fin avril, la page 2 titrait : « Face à la lepénisation des esprits », et regroupait les trois déclarations, toutes récentes alors, du MRAP, de Ras L’Front 87 et d’ATTAC 87 après la sinistre surprise du premier tour de la présidentielle et appelant à une mobilisation démocrato-électorale en plus des manifestations quasi journalières de cette période animée.

Et puis nous voici fin mai. Que resterait t-il, toujours dans la supposition du journal de la MDH seul rescapé d’un cataclysme, de ce qu’il en est advenue de ce risque « majeur », de quoi il procédait et de ce qu’il nous incombe ? Oui, le danger a été écarté - différé plutôt ! - il y a sursis à exécution, le sursaut a eu lieu. Mais l’épisode « gaffe à Le Pen ! » n’a t’il été qu’un soubresaut ?

Le 21 avril au 1er tour, préhistorique carrément, Chirac n’avait obtenu les voix que de moins qu’un électeur sur cinq, et, le 5 mai, plus de 82% des suffrages exprimés, pour cause d’inévitable. Les thuriféraires de la droite ne se font pas faute d’insister sur la non-existence d’un contrat qui lierait le président élu à ceux qui l’ont (re)porté au pouvoir. Un engagement tout au plus et encore… Comment donc rappeler qu’on ne peut « passer muscade », comme si de rien n’était ou n’avait été ; quinze jours pour rien ? Le « tout ça … pour ça » désabusé suffit-il ? Oui, à peine les résultats affichés, les choses ordinaires reprenaient leur cours à peine interrompu par le happening Le Pen. Alors s’étire la période neutralisée, aseptisée, qui court de l’avant-premier scrutin à la rentrée scolaire de septembre. La parenthèse est longue. Pour les décisions, repassez plus tard. On en est, là, aux calculs et aux supputations, marchandages et aux combinaisons en vue des deux tours des législatives, les 9 et 16 juin. Dites : c’est avec qui qu’on va où ? Peu nombreux, peu nourris furent les débats. A part les meetings des candidats députés.

 Josette Réjou titrait dans ce même numéro 43 : « notre société ne se donne pas les moyens de sa bien pensance ». Cela nous concerne aussi, dans l’action ou l’omission.

Une commune proche de Limoges riche de plus de 5000 habitants et donc assujettie à l’obligation d’aménager une aire de stationnement pour les nomades, fondamentalement anti FN et engagée, vient de demander que soit « délogé » un couple avec un très jeune enfant, du parking à l’entrée du camping municipal où ils « logent » dans leur voiture depuis un à deux mois. La logique, dont la mairie demanderait l’application, serait-elle celle du « not in my back-yard » (NIMBY...), pas dans mon propre jardinet.

Il n’est pas jusqu’aux plus généreuses instances religieuses qui ne remettent à la rentrée leur réponse aux urgences humanitaires conseillant aux associations de « s’investir plus » en attendant qu’elles (les instances…) puissent envisager de prendre, plus tard, la question « à bras le corps ».

Il est difficile à chacun de mettre en accord nos convictions et notre pratique, surtout quand cela nous met en situation dérangeante ou exigeante.

Il est, et là j’extrapole, plus facile de se ranger, un premier mai, sous une banderole : « Droits de l’Homme ici et ailleurs » en affirmant que, là au moins, on est sûr de ne pas se tromper de place, que de mettre en cohérence minimale effective  ses engagements militants ou électifs et sa position sociale.

Du côté de la préfecture, les demandes de cartes de séjour (pour vie privée et familiale, voire raisons sanitaires) et les dossiers de régularisation déposés sont en stand by dans cette période d’attentisme. Mais, du côté de l’OFPRA, les refus de statut de réfugié politique et/ou les rejets de la commission des recours s’accélèrent.

M.F.R.E.
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2 - Mémoire à vif : retour sur
la guerre d'Algérie

Du 6 au 8 mai l'association "Mémoire à Vif" et le FJT Varlin Pont Neuf organisaient à Limoges et à Faux la Montagne différentes projections de films, conférences, avec l’objectif de poursuivre le travail amorcé l'année précédente par des élèves du lycée Marcel Pagnol de Limoges, lesquels avaient produit une vidéo sur l’action de résistance menée par des habitants de la Villedieu durant la guerre d'Algérie. Cette année, trois dates ont attiré principalement l'attention : Le 8 mai 1945, fin de la seconde guerre mondiale, mais une date qui ne signifie pas la même chose en Algérie où des milliers de personnes ont été massacrées par l'armée française à Sétif - le 7 mai 1956, où des villageois de La Villedieu, au comportement courageux et exemplaire, s'opposèrent au passage d'un camion de rappelés qui devait les emmener à la guerre d'Algérie - le 17 octobre 1961, où des manifestations d'Algériens ont été très durement réprimées.

Ci-après une synthèse de la présentation faite par Jean Luc Eynaudi - historien - le 7 mai 2002, au Conseil Régional du Limousin,  des évènements qui se sont déroulés à Paris en octobre 1961 : 

Les évènements entourant la date du 17 octobre 1961 constituent les journées les plus meurtrières de la guerre d'Algérie sur le territoire métropolitain : ces mêmes faits que les autorités politiques ont voulu dissimulés, niés et enfin oubliés. Il aura fallu attendre 2001 pour que la ville de Paris décide enfin la pose d'une plaque sur le pont Saint Michel pour rappeler les crimes de l'époque. Cette même décision provoquera d'ailleurs un vif conflit entre les élus de droite et de gauche au sein de la Mairie de Paris. L'une des raisons de la montée de l'extrême droite est sans doute à rechercher dans le colonialisme et l'histoire du colonialisme. Dans un contexte où le courant représentant les idées de Le Pen risque d'avoir de grandes marges de manoeuvre il faut se rappeler que ce dernier a pratiqué la torture en Algérie, en 1957, dans le cadre des services mis en oeuvre par Guy Mollet. Pourquoi ce silence relatif durant la campagne des présidentielles sur ces faits ?

Le 17 octobre 1961 est une date qui marque l'éruption, en plein coeur de Paris, des guerres coloniales. Durant l'été 1961 le général De Gaulle occupe le poste de Président de la République et son gouvernement est marqué par deux tendances : celles d'Edmond Michelet et d'Hervé Bourge qui poussent à une paix négociée avec les représentants algériens, et celle de Michel Debré favorable à l'Algérie française, et qui pousse aux méthodes les plus répressives. Malheureusement, on assiste peu à peu à une prédominance des idées de Michel Debré qui obtient le départ d'Edmond Michelet ; la torture s'installe au coeur de Paris et, en réaction, les assassinats de policiers se multiplient.

Tout au long du mois de septembre on commence déjà à trouver de plus en plus des cadavres flottant  ici où là dans les différents cours d'eau environnant Paris. C'est ainsi le sentiment de vengeance qui est de plus en plus entretenu par les plus hautes autorités : le 2 octobre 1961 Maurice Papon, alors préfet de police à Paris lance, lors des obsèques d'un policier, le mot d'ordre que "pour un policier tué, nous en tuerons dix". Il faut se rappeler qu'avant 1958, Maurice Papon fut pendant deux ans, inspecteur en Algérie et qu'il avait été un grand acteur de la mise en place des "zones interdites" ou des zones de regroupements qui concerneront plus de deux millions de personnes. Il impulsera aussi, dans l'Est de l'Algérie, une guerre particulièrement sanglante qui se traduira par une institutionnalisation de la torture.

Dans les évènements d'Octobre 1961, Maurice Papon jouera un très grand rôle en décrétant le 5 octobre un couvre-feu : officiellement il était recommandé  aux français d'Algérie de ne plus circuler dans les rues après 20h : il faut se rappeler que ces mesures s'inscrivaient dans leur caractère anti-institutionnelle... Que, sur le terrain, cela se traduira par une véritable chasse à l'homme au faciès (rafles, assassinats, tortures, humiliations...). Cette répression s'aggravera considérablement à partir du 17 octobre, puis les jours suivant avec la répression de manifestations d'Algériens dans Paris contre le couvre-feu et qui se voulaient pacifique. Ainsi, ce soir là heureux étaient les kabyles blonds aux yeux bleus qui ne correspondaient pas à la typologie raciste de la police : de nombreuses exactions seront commises, des corps jetés dans la seine à la hauteur du pont de Neuilly, même chose pont Saint-Michel , devant le cinéma "le Rex" les policiers chargeront et ouvriront le feu sur les manifestants, des Algériens seront aussi massacrés cette nuit là dans la cours même de la préfecture de police...Ce soir-là, de nombreux Algériens trouveront la mort par noyade, ou le crâne fracassé. Durant la nuit, des faux messages seront diffusés sur les radios de la police laissant entendre la mort de plusieurs policiers, alors que, le lendemain, un seul policier ne pourra reprendre normalement son service.

En 1958 le même vélodrome d'hiver, qui avait servi lors des rafles de juifs durant l'occupation allemande fut réutilisé et des exactions seront à nouveaux commises. Après la fermeture du Vel'd'hiv' c'est le palais des sports qui sera utilisé à l'occasion des évènements d'octobre 1961, avec comité d'accueil des Algériens arrêtés, deux haies de policiers frappant les détenus nouvellement arrivés, le stade Pierre de Coubertin sera également utilisé.

Officiellement, pour le 17 octobre et les jours suivant, seulement deux ou trois morts seront annoncés par les autorités. Des syndiqués de l'Institut Médico-légal avoueront avoir reçu l'ordre de se débarrasser des cadavres en les jetant dans la Seine. Il est aujourd'hui encore très difficile de connaître le nombre exact de victimes, qui se situe probablement dans une fourchette allant de 200 à 400 morts. Le Général de Gaulle, lors d'un conseil des ministres, dira des évènements qu'ils sont "inadmissibles mais secondaires".

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3 - A propos de la République
Bolivarienne du Venezuela

Le coup d'Etat du 11 avril 2002 à échoué contre le président Chavez. Il aura duré tout juste 47 heures. C'est le temps qu'il a fallu à la population d'apprendre la nouvelle et de se diriger en masse vers le palais présidentiel. La junte militaire constituée essentiellement de chefs tire sur la foule : 13 morts, des blessés. Elle invente le prétexte de la démission du président Chavez. Celui-ci parvient à informer qu'il n'en est rien. La garde présidentielle intervient alors avec la partie de l'armée restée fidèle pour se joindre à la foule et exiger le retour de son président élu démocratiquement.

C'en est terminé des putschistes, ils seront jugés, les promesses électorales du président Chavez vont pouvoir se poursuivre. Une nouvelle constitution avait également été approuvée par les urnes pour permettre  l'application  d'un  programme social. Il faut aussi préciser que la médiatique de ce pays étant entièrement privatisée, le coup d'Etat bénéficia de la complicité ou du silence de celle-ci. Il y eut aussi, mais qui imaginerait le contraire, le soutien moral et très actif des Etats-Unis. Les réformes en cours sont pour l'essentiel :

- Réforme agraire limitantà 1.000 hectares la propriété (ce qui n'est déjà pas si mal).

- Destruction des honteux bidonvilles au fur et à mesure de la construction de logements.

- Pour tous, l'école, la santé.

- Taxation dés grandes fortunes, des compagnies pétrolières pour se donner les moyens des réalisations.

Pour les grands privilégiés, les nantis du pays, c'en est trop ! Ils aiment la démocratie à leur manière, comme dans quelconque pays d'ailleurs : très limitée aux acquis qu'on ne touche pas sous peine d'en découdre, au besoin par la force.

Les sanctions économiques, la tyrannie ou la guerre eurent raison du président Alliende au Chili, des révolutions au Nicaragua, au Salvador, au Guatemala pour ne citer que le continent américain.

Alors, maintenant, que va-t-il se passer ? Le président Chavez aura besoin de l'appui constant de l'énorme majorité du peuple face à la mafia de ceux pour qui la paix civile ne vaut que dans la condition supérieure de n'exiger d'eux aucun abandon des scandaleux privilèges que leur confèrent les leviers de commandes économiques du pays. Face à la vigilance d'un peuple que restera-t-il d'action terroriste aux tenants de la fortune ? Accepteront-ils enfin leur rôle d'opposants dans le calme et la légalité après leur défaite.

A noter que l'expérience de la République Bolivarienne du Venezuela est intéressante au plus haut point.

C'est une première mondiale, un peuple va tenter des réformes sociales par la voie pacifique. La voie légale des élections, la voie des droits civiques associés aux droits humains, la voie vers une société plus juste.

Bien sûr, des questions restent en suspens. La caste privilégiée finira-t-elle par accepter quelques partages ? A défaut d'autres sanctions plus violentes, les sanctions économiques internes et extérieures auront-elles raison des reformes ?

Souhaitons un franc succès au peuple du Venezuela. D'abord parce que c'est sa volonté et ensuite pour l'histoire du monde. Il ferait mentir ceux qui ont écrit ou qui disent encore : « A la violence capitaliste, une seule solution : la révolution ». Une révolution pacifique ? A voir !

Johannes Billo.
Collectif Cuba 87
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4 - La difficile et longue construction de la paix commence par la paix intérieure de chacun pour construire la paix extérieure.

Cultiver notre paix intérieure contribue à faire croître la paix dans le monde. De notre responsabilitéà engendrer la Paix.

Dalaï-Lama

Trouver la paix en soi

est le fruit d’un long combat avec

soi-même. C’est apprendre à mieux se connaître, à oser se voir petit à petit tel que l’on est, dans sa vérité. C’est se faire confiance, accepter de se dépouiller de ses certitudes et en abandonant peu à peu ses carapaces, s’acheminer vers une dimension de soi plus authentique et moins conflictuelle.

Patriarche Athénagore

Pour les va-t-en guerre et les irréfléchis :

Avant de prendre une décision importante – déclarer une guerre, partir avec ses compagnons pour une autre plaine, choisir un champ pour semer -, le guerrier se demande : « Quelle conséquence cela aura-t-il sur la cinquième génération de mes descendants ? » Un guerrier n’ignore pas que les actes de chacun ont des répercussions qui se prolongent fort loin, et il doit savoir quel monde il laissera aux générations futures.

Paulo Coelho

 

Maximes proposées par

Raymond Gueguen.
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