Colombe en territoire occupé.

 

 

Un avion pour la paix

 

Du 29/11/2001 au 3/12/2001, une opération organisée à l’initiative de l’A.J.F.P. ( Association pour la promotion des Jumelages entre les villes de France et camps Palestiniens) a rassemblé 134 personnes pour se rendre en Israël et Palestine. Cette opération appelée “Un avion pour la paix” était une façon concrète d’exprimer notre solidarité à l’égard de ceux qui luttent pour la paix et le respect des droits internationaux et du droit des hommes à vivre libres et égaux dans leur état.

La délégation escortée dans le camp de Khan Younis par la population et des représentants du FATAH

 

 

 

La délégation, pluraliste, était composée d’élus : députés européens, députés-maires, maires, élus représentants des municipalités (LCR, MDC, PC, PS, RPR, Verts), des représentants d’organisations syndicales (CGT, FSU), des représentants d’associations ( France Solidarité Palestine, MRAP, Ligues des Droits de l’Homme, Mouvement de la Paix, Femmes Solidaires, Havana Cuba...), de journalistes, de citoyens...

Pourquoi un avion pour la paix ?

Les populations du Proche Orient et le peuple Palestinien particulièrement, ont dans le contexte politique actuel  extrêmement tendu et dramatique, plus que jamais besoin d’un soutien moral, matériel et de la reconnaissance de leurs droits fondamentaux.

La perte, pour ces populations, de tout espoir de voir un jour se résoudre la situation qu’ils vivent, doit, de notre côté, nous encourager à développer toutes sortes de solidarités, et à opposer à la violence, la parole, les contacts, les témoignages...

C’est dans cet esprit que chaque participant a répondu favorablement à l’appel de l’A.J.F.P. et a relayé l’appel lancé par un groupe d'Israéliens et de Palestiniens aux Consuls des Etats-Unis et de Belgique qui demande l’envoi d’une force internationale de protection dans la région.

Il s’agissait donc à cette occasion de manifester notre solidarité mais également de permettre aux populations de lutter contre l’isolement et à notre société civile de prendre part à la situation dramatique de la région en encourageant les politiques européens et américains à s’impliquer dans la construction urgente d’une paix juste, durable et honorable pour tous dans la région.

Pourquoi des jumelages avec des camps de réfugiés ?

La question des réfugiés Palestiniens est au cœur du conflit du Proche Orient. De nombreuses Résolutions des Nations Unies en témoignent depuis 1948, et la communauté internationale est aujourd’hui consciente qu’il ne peut y avoir de paix et de stabilité durables au Moyen-Orient sans une solution juste au problème des réfugiés.

Dépossédés depuis cinquante ans, les réfugiés constituent jusqu’à nos jours le segment le plus vulnérable de la population Palestinienne.

Dans les Territoires Palestiniens, ils ont subi de plein fouet l’occupation et la répression israélienne pendant près de trente ans et c’est encore eux qui aujourd’hui, sont le plus durement touchés par la crise et autres conséquences du blocage des négociations.

Dans le Liban en reconstruction, les conditions économiques et sociales des réfugiés palestiniens ne cessent de se dégrader et leur statut devient chaque jour plus précaire. Si en Jordanie ils jouissent de la citoyenneté et en Syrie d’un statut proche, pour tous se joue aujourd’hui la question du droit des Palestiniens à retourner s’établir sur leur terre ou, pour ceux qui ne le souhaitent pas, à obtenir une juste indemnisation en compensation du préjudice subi.

Si les besoins sont immenses, les potentiels humains le sont tout autant. En mettant en place des jumelages et des partenariats actifs avec les camps de réfugiés, les collectivités françaises peuvent contribuer au développement social, culturel et technique, par l’échange d’expériences et de compétences dans des domaines aussi divers que la gestion municipale, le développement des infrastructures et des services sociaux, la santé, les activités sportives et culturelles, la formation professionnelle....

Mais il s'agit également de développer des échanges humains et culturels entre les populations française et palestiniennes, grâce à des visites mutuelles, permettant de créer des liens directs entre groupes concernés : groupes sportifs, écoles, associations...

Les partenaires :

En Palestine ce sont les Comités de Gestion des camps créés en 1996 par le Département des Refuges de l’OLP. Ils sont constitués en commissions concernant les différents aspects de la vie quotidienne (infrastructures et projets, santé, éducation, information...) et travaillent en coordination avec l'U.N.R.W.A. (Office pour les Réfugiés Palestiniens),

créé par les Nations Unies en 1949, qui est responsable au plan international des camps de réfugiés.

CHRONIQUE :  5 jours en Palestine.

Jeudi 29 novembre :

Départ de l’avion pour la paix le jeudi 29 décembre à 10h00 de ROISSY, arrivée à TEL-AVIV 15h40. Le contrôle à l’arrivée est très long, plus de deux heures durant lesquelles nos passeports, nos bagages sont épluchés minutieusement.

A la sortie, la délégation est attendue par un comité d’accueil Israélien dont Michel WARCHAVSKI fait partie.

La délégation est alors reçue au Consulat Général de France par Denis PIETON, Consul Général de France à Jérusalem.

Celui-ci nous dresse un bilan de la situation dans les territoires autonomes et bien sûr dans les camps de réfugiés.

Pour lui la situation est de plus en plus tragique.

La population Palestinienne vit des heures de plus en plus difficiles et dramatiques : pauvreté grandissante, taux de chômage atteignant 60, 70 et parfois 80% dans la Bande de Gaza depuis l’annonce du Premier ministre Israélien A. SHARON de ne plus avoir recours à la main d’œuvre palestinienne.

Les populations sont dans une détresse et un isolement intolérable.

21h30, départ pour la maison des hôtes de Yasser Arafat à Bethléem.

Nous sommes reçus par un membre du Comité de Gestion du camps de Deheisheh (district de Bethléem), un conseiller de Yasser Arafat et un élu du District de Bethléem.

Le représentant de l’Autorité Palestinienne, élu démocratiquement, député de Cisjordanie, après avoir insisté sur la nécessité de venir observer la situation et la vie du peuple palestinien et d’en témoigner, nous explique le quotidien de la population et la vie politique :

Pendant la période de Ramadan, les musulmans ne peuvent se rendre à la mosquée à Jérusalem.

En tant que parlementaire, je dois demander une autorisation à Israël pour me rendre à Jérusalem qui  me la lui refuse.

La vie politique et démocratique est gelée, les députés de Cisjordanie sont dans l’impossibilité de se rendre dans la Bande de Gaza où se situe le parlement, les réunions se font alors par téléphone où par la télévision”.

Aujourd’hui, 29/12/2001, l’attentat qui a eu lieu à Tel-Aviv est vivement condamné par l’Autorité Palestinienne. Mais en fait comment répondre à l’exigence de Sharon qui demande sept jours de calme du côté Palestinien alors que dans le même temps, en seulement trois jours, cinq enfants trouvent la mort en jouant avec un objet piégé, 18 maisons sont détruites, un dirigeant du Hamas est assassiné, de nouvelles colonies s’installent dans les territoires, une colonie déjà installée est transformée en camp militaire...

Toutefois, le peuple Palestinien est “résigné” à continuer de lutter pour la paix, une paix qui soit juste et durable, et  à vivre à côté de leurs voisins Israéliens”’. 

Vendredi 30 novembre :

Nous quittons Bethléem tôt le matin pour la bande de Gaza.. Premiers check point, nous pouvons maintenant, après les avoir devinées la veille, voir les colonies, cités modernes arrogantes aux toits rouges et  juchées au sommet des collines les plus élevées et encerclant littéralement les villes et les camps palestiniens.

Nous arrivons à Erez, point de passage obligé en arrivant de Cisjordanie. Erez crossing Point est considéré comme le mur de Berlin pour les Palestiniens. Avant 93, les Palestiniens pouvaient passer librement à cet endroit, après 93, les palestiniens qui avaient un contrat de travail et qui souhaitaient se rendre en Israël devaient emprunter à pied un couloir de taules, de grillages et de barbelés de 3 km de long. Ils n’étaient pas autorisés à passer avec un véhicule. La situation s’est encore dégradée avec l’arrivée de Sharon. Après la déclaration du Premier ministre israélien indiquant qu’il souhaitait ne plus avoir recours à la main d’œuvre palestinienne, les employeurs israéliens ont mis fin aux contrats de travail qui les liaient à des travailleurs palestiniens.

De plus les pêcheurs palestiniens ne sont pas autorisés à aller au delà de 12 km des côtes, leurs ressources sont donc extrêmement limitées.

Ce qui est paradoxal, c’est qu’avant le processus de paix, les palestiniens avaient une vie économique “correcte” dans la mesure où ils pouvaient exporter leur produits agricoles en Cisjordanie, ils pouvaient pêcher et ils allaient travailler régulièrement en Israël. Il y avait également les Palestiniens vivant à l’étranger où dans la région qui venaient passer le week-end, le secteur hôtelier et de restauration travaillait... Aujourd’hui les deux principales ressources des palestiniens de laBande de Gaza c’est à dire le travail et la pêche, mais également l’ensemble des activités économiques sont réduites à néant par l’installation de barrières de contrôle et d’interdits par Israël.

Depuis 93, tout est fait selon la volonté d’Israël pour faire de GAZA une prison à ciel ouvert.

Le chômage, la pauvreté, la misère s’y développent de façon dramatique.

Le contrôle à Erez dure environ deux heures... nous nous estimons heureux, car aujourd’hui une coopération entre la police israélienne et la police palestinienne a été possible, nous avons donc été autorisé à traverser en bus !

De l’autre côté du poste de contrôle nous sommes attendus par un comité d’accueil important composé de représentants de l’Autorité Palestinienne, de dirigeants du FATAH, de représentants d’ONG...

Les couleurs françaises et palestiniennes sont installées de part et d’autre des bus.

Nous sommes pris en charge par Hassan BALAOUI, chef du protocole de Yasser ARAFAT et responsable du Fatah. Nous partons pour les camps de Khan Younes et de Rafah.

Hassan BALAOUI nous explique que la circulation dans la Bande de Gaza est empêchée par l’armée israélienne par tous les moyens. Une des nombreuses méthodes est l’interdiction faite aux Palestiniens de se déplacer seul dans un véhicule. Cela donne lieu à un petit commerce de part et d’autre des points de contrôle; des enfants se font payer pour accompagner le chauffeur.

Une autre méthode est bien sûr le barrage des routes, la route principale qui traverse la Bande de Gaza est une ancienne route de l’époque coloniale Britannique, cette route a été barrée, un poste militaire est installé à l’endroit du barrage. Cela oblige les palestiniens à faire de très nombreux détours, parfois très longs pour les contourner.

Nous pouvons constater également que les méthodes employées s’apparentent à une forme d' apartheid. A quelques kilomètres seulement d’Erez, la moitié de cette route principale est exclusivement réservée aux 5000 colons qui vivent sur les territoires occupés de la Bande de Gaza, ils occupent 35% du territoire soit 127km² et consomment 20% de l’eau.

L’autre moitié de la route est utilisée par 1millions de Palestiniens... ils sont entassés sur 65% du territoire soit 238 km² .

Sur cette même route, après un détour nous sommes spectateurs d’une scène terrible, mais malheureusement quotidienne. De l’autre côté du mur qui sépare les deux routes, une colonie est en train de s’installer... A proximité, un poste militaire palestinien a été bombardé et entièrement détruit. Nous pouvons aussi apercevoir les restes de ce qui devait être une oliveraie. Derrière les blocs de béton, sous la protection des soldats installés dans la tour militaire - première construction édifiée - et des chars, des bulldozers continuent à défricher et à aplanir le terrain. Des structures métalliques sont déjà sur place. Noha, une des personnes de la délégation, qui était du précédent voyage en mai 2001, nous indique qu’il y a six mois tout cela n’existait pas...

Face à nos regards , de jeunes colons arrogants brandissent le drapeau israélien et “font mine” de nous jeter des pierres en faisant le v de la victoire...

Nous passons près du camp de JABALYA, situé à proximité du village de JABALYA dont il a pris le nom; c’est le plus important et le plus surpeuplé des camps de réfugiés de la Bande de Gaza. Abritant initialement (en 1948) 35 000 réfugiés, il en accueille aujourd’hui 87 076 sur tout juste 140 ha.

C’est à JABALYA qu’en décembre 1987 l’Intifida a éclaté.

Toujours sur cette même route nous nous arrêtons sur les lieux d’un bombardement qui s’est produit quelques semaines plus tôt et qui a pris pour cible un poste militaire palestinien. Là, plusieurs soldats ont trouvé la mort et le bâtiment a été réduit à un tas de gravas. 

Nous arrivons au camp de RAFAH, à la frontière Egyptienne. De 41 000 réfugiés en 1949, sa population est passée aujourd’hui à 75 432.

Après la guerre de juin 1967, quelques milliers de ces réfugiés, dont les maisons avaient été détruites par les autorités israéliennes pour des “raisons de sécurité”, trouvèrent refuge en Egypte. Malgré un accord iraélo-égyptien vieux de plus de 16 ans, sur les 500 familles concernées, seules 205 ont pu être rapatriées ceci en raison de l’opposition des autorités israéliennes.

C’est aux alentours du camp de RAFAH que l’armée israélienne a utilisé un hélicoptère de combat Cobra pour tirer sur les manifestants au cours de la répression de septembre 1996.

Une foule énorme se masse autour des bus, nous nous dirigeons à pied vers la frontière égyptienne. La partie sud ducamp, exposée au positions de l’armée israélienne est entièrement détruite. Des miradors, les soldats de Tsahal tirent sur la mosquée dont la façade est entièrement criblée. Des jeunes garçons nous expliquent que tous les jours l’un d’entre eux est la cible des balles des soldats israéliens.

Nous repartons pour KHAN YOUNIS à quelques kilomètres au nord-est de RAFAH  face à la mer. La foule devient de plus en plus importante et bouillonnante... chacun souhaitant nous montrer ses conditions d’existence, les destructions de maisons, ses martyrs. Face à la pression nous descendons du bus.

Au milieu de la foule un groupe d’enfants miment l’enterrement d’un martyr en scandant des slogans, un enfant est sur le brancard recouvert du drapeau Palestinien. Les policiers palestiniens interviennent pour dissiper le malaise dans la délégation et calmer l’agitation qui est de plus en plus palpable.

Là encore les soldats de Tsahal ont pris position en écrasant une partie du camp, les bâtiments sont des squelettes de métal et béton. A la limite du camp, lorsque le mirador israélien est en vue la délégation est la “cible” de tirs d’intimidation... Ils tirent en l’air, “c’est normal, c’est tous les jours comme cela, et à chaque fois que des observateurs se rendent ici, pas de panique, restez seulement groupés...” nous dit-on.

Au milieu des gravas, des familles ont fait le choix de rester vivre sous des tentes à l’endroit où leur maison était bâtie. “ils préfèrent mourir ici que d’être chassés une nouvelle fois de chez eux “. Alors que nous sommes au milieu des de ce spectacle de désolation, les tirs reprennent plus intenses et proches... Mouvement de masse un peu paniqué vers l’intérieur du camp, on nous demande de rejoindre rapidement les bus...

Aucune partie du camp n’est épargnée, le quartier dit “autrichien” car le projet a été financé par l’Autriche n’a jamais été achevé, lorsque les travaux ont été suffisamment avancés, la construction a fait l’objet de bombardements israéliens quotidiens. Aucun de ces appartements n’a jamais été occupé. La densité de population dans ce quartier est de 29000 habitants au Km² ! 14 ou 15 personnes vivent dans 60m² dans les camps. Ils sont alimentés en eau deux fois par semaine, c’est Israël qui distribue l’eau... l’électricité est également vendue par des entreprises israéliennes à un prix équivalent 1franc le KW.

En fin d’après-midi nous sommes reçu par la famille des cinq enfants martyrs, morts pour avoir voulu jouer avec un objet piégé par Israël, en allant à l’école. Les enfants palestiniens savent qu’il y a un grand danger à toucher des objets “suspects”, ce sont des choses qu’on leur apprend à l’école... Ce jour là en allant à l’école les cinq enfants ont trouvé un objet familier...qui était un engin explosif.

La sœur de deux des enfants et la cousine des trois autres lit une lettre aux invités français :

“...pourquoi des enfants ? Quel mal font des enfants qui vont à l’école ? Nous n’avons commis aucun crime pour que l’armée d’occupation laisse une mine déchiqueter nos vies le 22 novembre dernier. Pourquoi cette haine à l’égard de notre enfance ? Pourquoi essaient-ils d’éteindre les bougies de la vie ? Chers amis français, je vous adresse un message, au nom de tous les enfants de Palestine, contre le terrorisme d’Etat et pour la justice.”

Dans la soirée meeting à GAZA avec des représentants du Fatah - département des relations extérieures - deux représentants de l’église orthodoxe sont présents.

Un diaporama du ministère de la santé présente des photos de victimes des balles israéliennes et des études statistiques sur le type de balles utilisées et les parties du corps qui sont touchées.

Depuis une période récente la partie du corps la plus souvent touchée est la tête... Il y a volonté délibérée de tuer.

Samedi 1er décembre :

Départ tôt le matin de Gaza, les contrôles peuvent durer un certain temps à Erez malgré l’arrangement trouvé par Fernand Tuil pour faciliter les choses.

Nous sommes attendus à Jaffa par des militants israéliens. Militants pour la paix, représentants de la “Ligue pour le Travail”, syndicalistes...

Nous retrouvons Michel Warchavski qui expose les difficultés que rencontrent ces militants qui, malgré leur travail acharné, restent très minoritaires et exposés à des réactions très violentes.

Des syndicalistes nous expliquent la situation depuis la déclaration de Sharon de se passer définitivement de la main d’œuvre palestinienne. Pour faire face aux besoins et remplacer les travailleurs palestiniens, Israël a recours à une main d’œuvre étrangère (roumains, thaïlandais...) encore plus “flexible et docile”. Le travailleur qui a un contrat est “attaché” à son employeur, il n’est pas en possession de soncontrat. A partir du moment où son contrat est “cassé” il devient clandestin même si c’est l’employeur qui est responsable de la rupture du contrat. C’est d’ailleurs, dans la plupart des cas l’employeur n’ayant pas versé son salaire à l’employé depuis plusieurs semaines, qui rompt le contrat et porte plainte.

Les travailleurs étrangers installés en Israël depuis de nombreuses années n’ont aucune chance d’en devenir citoyen.

Les lois sur la santé ne s’appliquent pas aux travailleurs palestiniens.

Face à cette situation, la lutte pour la défense des travailleurs est très difficile, le sionisme divise la classe ouvrière en deux blocs : les arabes et les juifs, et depuis le début de l’Intifada les relations avec les syndicats palestiniens sont coupées.

Avant de repartir pour la Cisjordanie, où nous allons nous répartir dans les camps, nous mangeons dans un petit restaurant du quartier arabe. Là nous sommes pris à parti par une Israélienne qui déplore que des étrangers viennent exiger qu’on vole leur terre ancestrale pour la donner à des terroristes qui veulent tout ! Nous avons en face de nous un mur.

Nous arrivons en Cisjordanie. Stoppés à un check point, nous avons, sur une colline qui surplombe Jérusalem, la colonie de Har Homa. Cette colline était entièrement boisée, c’est maintenant une petite ville encore hérissée de grue qui finissent le travail. Mais cette colonie est boudée car au moment de la construction des luttes ont eu lieu. Il s’agit d’un coin chaud... Les appartements sont donc bradés car personnes ne veut venir habiter là de peur de subir des attaques.

Il semblerait que des familles de Sarcelles s’y soient installées avec quelques autres ”guerriers”.

Nous nous répartissons devant le camp de Dheisheh dans les différents camps de Cisjordanie.

Nous sommes, avec Jean Serieys, l’autre Limougeaud, et quatre autres membres de la délégation accueillis par le responsable du Comité de gestion du camp de BEIT JIBRIN.

Beit Jibrin est le plus petit camp de Cisjordanie : 1800 personnes sur 2 ha.

Khamal parle parfaitement l’italien, il a vécu et travaillé plusieurs années à Rome et il a épousé une Italienne, nous avons la chance d’avoir dans le groupe un niçois qui parle également parfaitement l’italien. Nous sommes donc dans les conditions idéales pour pouvoir communiquer.

Nous sommes tout de suite dans le “bain”, des réservoirs d’eau criblés sont entassés aux abords de la rue, les façades sont criblées, noircies par l’incendie qui a suivi un bombardement, certaines en partie détruites par des tirs d’obus.

Autour d’un thé, Khamal et Lucia sa femme nous expriment leur pessimisme.

A ce jour l’armée, d’occupation est partout dans les territoires. Tous les prétextes sont bons pour installer une base militaire, par exemple à quelques dizaines de mètres de la tombe de Rachel qui est devenue une forteresse en béton avec son mirador. Lorsqu’on parle d’une peau de léopard, c’est la réalité avec la multitude de colonies qui encerclent villes, villages et camps. Bethléem est encerclée de 29 colonies”. Pour Khamal, il y a peu de différence entre les travaillistes et le Likoud “le pouvoir israélien est une pièce de monnaie, il a deux face mais c’est toujours la même monnaie.

Ils constate en revanche un changement brutal depuis l’arrivée de Sharon : “ce qui a changé aujourd’hui au niveau de la répression et particulièrement depuis le début de l’Intifada, c’est qu’au départ les soldats cassaient des bras, des jambes mais aujourd’hui ils tirent dans la tête.

Khamal nous parle ensuite de son arrivée dans ce camps avec ses frères, il nous explique que son village s’appelait Beit Jibrin, qu’il se situait à 70 km de Bethléem. Il nous montre la clé de la maison du village - chaque famille a sa clé - elle est transmise de génération en génération. Lorsqu’il est arrivé dans le camp, dans les années 50, il vivait avec sa famille sous une tente, petit à petit des maisons ont été construites. Aujourd’hui il n’y a plus de tente dans le camp.

Dans le village de Beit Jibrin, la famille de Khamal possédait 200 ha de terre, le vœu le plus cher de Khamal serait de récupérer seulement un hectare de cette terre pour s’y installer. Une longue discussion débute sur l'ambiguïté qu’il peut y avoir entre les revendications de l’autorité palestinienne, les bases sur lesquelles Israël serait disposé à discuter et les aspirations réelles des réfugiés...

 

La famille nous installe dans ce qu’elle appelle “le refuge”, c’est le lieu où ils se mettent à l’abri lors des attaquesisraéliennes. Khamal nous explique qu’en cas d’attaque il descendra avec sa femme et ses deux enfants.

A 23h15 nous sommes réveillés à la fois par Khamal et par des rafales de tirs et des bruits sourds de bombardements.

Khamal nous “rassure”, ce n’est pas le camp qui est visé mais la ville sur la butte voisine à 2 km : Beit Jala. Khamal nous invite à être spectateur de ce qu’ils vivent tous les jours. Les tirs partent de Gilo, la colonie qui est en face de Beit Jala, ils ne s’arrêteront qu’après 15 minutes sans interruption...

Dans la chambre où dorment le couple et le plus jeune des enfants (1 an ½), nous pouvons voir les impacts de balles dans les murs, les montants du lit, les rideaux...

Lucia nous explique qu’elle est obligée de donner des médicaments Kader le plus petit des deux garçons pour qu’il puisse dormir. Khaled 8ans est très perturbé en ce moment, il se réveille très souvent la nuit.

 

Dimanche 2 décembre :

Lucia et Khamal sont très inquiets, ils viennent d’apprendre les attentats à Jérusalem. Depuis qu’ils sont levés ils sont devant leur poste de télévision. Ils attendent avec beaucoup d’anxiété la déclaration et la réaction de Sharon. Ils s’attendent au pire. Effectivement la riposte ne se fait pas attendre, Jenin est bouclé, Naplouse également.

Nous partons pour une visite du camp. Nous commençons par une maison mitoyenne de celle de Khamal.

Le 18/10/2001, les chars israéliens sont entrés dans la ville et se sont positionnés face au camp, ils ont tiré sur la maison qui a pris feu. Les occupants se sont alors réfugiés chez Khamal. Lorsque les pompiers sont arrivés les soldats israéliens les ont empêché de circonscrire l’incendie qui a détruit tout l’étage. Le même jours les soldats israéliens, après l’avoir bombardé, ont pris position dans un immeuble en utilisant une centaine d’hommes comme bouclier humain. Ces méthodes terroristes sont employées systématiquement.

En décembre 2000, un grand immeuble du camp a été bombardé. On peut dénombrer 190 impacts. Un autre bâtiment, l'hôtel Paradise, qui n’a jamais pu accueillir de visiteurs, car il n’a jamais été achevé a été pris comme position militaire puis entièrement dévasté...

Du 18 au 19/10/2001, dans la zone de Béthléem, 25 personnes ont été assassinées. Dans la semaine qui a précédé notre arrivée, les enfants de bethléem ont organisé une marche en hommage aux cinq enfants martyrs de Gaza, il y a eu un mort.

Les gens vivent avec la peur de la mort tous les jours.

 

Nous partons ensuite pour Beit Jala, la ville qui a été mitraillée la nuit dernière. La vision est maintenant “habituelle” mais toujours aussi désolante. Beaucoup d’orthodoxes vivent sur cette colline, la plupart des maisons touchées sont coiffées d’une croix et l’on peut voir sur les façades Saint-Georges terrassant le dragon. Une femme m’explique qu’elle habite là, qu’elle est orthodoxe et qu’au cours de la nuit sa maison a été touchée par les tirs de Tsahal.

De retour à Beit Jibrin nous apprenons le développement des événements : explosion du  bus à Haïfa, incursion des chars dans la Bande de GAZA. Notre visite de Jérusalem est annulée. 

En soirée nous avons la visite d’un ami enseignant qui essaie d’organiser pour nous une visite d’école dans un camp. Demain, le neveu de Yahia, l’enseignant viendra nous chercher en partant à l’école.

Lundi 3 décembre :

Nous partons pour le camp d’Aïda, à 1 km de Beit Jibrin, nous suivons un groupe d’écoliers, le chemin de l’école est jalonné de stigmates de l’occupation et des interventions militaires : ici les marques des chenilles des chars sur le bitume , là un mur crevé et une maison abattue pour pouvoir circuler avec les engins de guerre.

Nous arrivons à l’école de garçons, le drapeau de l’U.N.R.W.A flotte au dessus du bâtiment... Nous sommes reçus par des professeurs dans un premier temps un peu froids “que venez-vous faire ici ?”, “avez-vous besoin d’aide?”, c’est que des interlocuteurs étrangers ils en ont rencontré beaucoup et l’U.N.R.W.A aussi promet des choses mais leurs conditions de travail sont toujours aussi déplorables.

Les bâtiments ont pu être bâtis grâce à des donations, la gestion est assurée par l’U.N.R.W.A, les salaires et les fournitures sont également à la charge de l’U.N.R.W.A.

Il y a environ 600 garçons dans cette école, ils ont entre 8 et 16 ans. La moyenne par classe est comprise entre 45 et 50 élèves. Les élèves travaillent dans des conditions épouvantables, mobilier trop petit et insuffisant, certains élèves sont debout faute de sièges, les autres sont trois par table. Certaines tables n’ont pas de plateau...

Ces conditions sont également très difficiles pour les enseignants.

Le salaire d’un jeune enseignant est de 270 $.

Au mur de toutes les classes sont affichés des portraits de martyrs. L’enseignant nous présente le fils, le frère des personnes qui ont été assassinées.

A quelques dizaines de mètres, nous sommes reçus à l’école de filles. Malgré le pavillon de l’U.N.R.W.A. l’école n’a pas été épargnée par les balles de l’armée israélienne. Sur 12 classes, trois ont été détruites par des tirs de chars.

La Directrice nous reçoit, d’abord avec la même réserve que ses collègues masculins. Elle ne semble pas bien comprendre quel est le but de notre visite. Nous expliquons qu’avant tout nous souhaitons faire connaître les conditions d’existence des palestiniens des camps et également les conditions de travail des élèves palestiniens aux enfants français, en envisageant par exemple des correspondances.

Si l’idée semble bonne elle doit être soumise à l’autorisation de l’U.N.R.W.A.

L’école accueille 700 filles et 230 garçons (jusqu’à 8 ans). Il y a 25 sections. Face au manque de locaux, l’enseignement est organisé en demi-journée. La moitié des élèves vient à l’école le matin, l’autre l’après-midi. La moyenne par classe  est ici de 40.

Après avoir échangé quelques cadeaux nous rejoignons Beit Jibrin, nous devons tous nous retrouver devant le camp de Dheisheh à 13h00. Les contrôles risquent d’être sévères à la sortie mais également à l’aéroport.

Les adieux sont douloureux, vu le contexte actuel, nous promettons tous d’être les ambassadeurs de leur cause et les témoins de leur courage et de leur dignité dans leur résistance et leur lutte pour la paix.

Textes et photos de Serge Hivert.

Contacts :

- A.J.F.P. Association pour la promotion des jumelages entre villes de France et camps de réfugiés palestiniens. Siège : Mairie de Montataire : Tél : 03 44 64 44 04 - Fax : 03 44 64 44 05 Deheisheh : tél/Fax : 00 972 22 74 59 18

- A.F.P.S. Association France Palestine Solidarité. 21 ter rue Voltaire 75 011 Paris tél 01 43 72 15 79 fax 01 43 72 07 25 afps@france-palestine.org

- Limousin-Palestine : MDH (Maison des Droits de l’Homme) - 37, rue Frédéric Mistral - 87 100 Limoges

- Health Development Information and Policy Institute - http://www.hdip.org

 

 

 

Intervention à Jaffa du militant israélien actif pour la paix Michel Warchavski du Centre Alternatif d’Information

Ces bidons sont des réservoirs d’eau  percés par les tirs des soldats israéliens—ils doivent être changés régulièrement ce qui  aggrave considérablement les conditions de vie des palestiniens qui se retrouvent sans eau.

 

 

 

 

Impacts de balles dans une chambre d’un appartement suite à une incursion de l’armée Israélienne à Beit Jala

Symbole du colonialisme israélien que l’implantation de la colonnie d’Har Homa en lieu et place d’une grande forêt

 

 

Groupe d’enfants palestiniens à Khan Younis très content de voir une délégation d’occidentaux venue pour les soutenir

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