Militarisme et mondialisation
Vision
sud américaine de l'impérialisme des Etats Unis |
I La mondialisation est, en elle même porteuse de violence car elle accroît les inégalités : Il est acquis que la mondialisation est un facteur daggravation des inégalités économiques et sociales à léchelle mondiale. Selon le PNUD, lécart entre les 20% les plus pauvres et les 20% les plus riches au cours des 30 dernières années est passé, dun rapport de 1 à 30 à celui de 1 à 80. Deux milliards dindividus sont privés deau courante et 790 millions de souffrent de la faim et connaissent la précarité alimentaire. Il manque aux pays en développement 80 milliards de $ par an pour assurer tous les services de base A savoir que, en 1999, les dépenses militaires se sont élevées à 720 milliards de dollars dans le monde. Il va de soi que cette situation résulte en grande partie de la privatisation et de la dérégulation des marchés qui, partout à travers le monde, ont provoqué des plans sociaux (au Nord comme au Sud) et ont fait passer les droits sociaux au second plan. Les institutions financières Internationales elles-mêmes, comme le FMI et la Banque Mondiale, ne peuvent plus nier ce phénomène et reconnaissent dans un rapport publié en lan 2000 que la situation est préoccupante, ce qui ne les empêche pas de continuer leurs politiques dans le sens de la plus grande orthodoxie libérale. Dans une telle situation, où plusieurs dizaines de milliers de personnes meurent chaque jour de la pauvreté : comment ne pas sétonner que certains réflexes de survie trouvent une expression violente? II Du colonialisme direct on est passé à un colonialisme basé sur une économie de la prédation : En premier lieu on peut relever que la période post-coloniale na pas produit les conditions pour une véritable indépendance politique et économique des pays soi disant décolonisés. La prédation économique qui est le fait des multinationales à travers de très nombreux exemples sexprime tout dabord par un prolongement du fait colonial. Lexemple de la France à travers les Réseaux mafieux de la « Françafrique » (Cf; « Les dossiers noirs de la Françafrique » ed. LHarmattan) est, sur ce point édifiant : corruption des exécutifs étatiques africains accompagnée dun soutien logistique favorisant les guerres et la répression (coopération militaire et policière), pillage des ressources naturelles au profit des sociétés multinationales, investissements ruineux pour les pays africains mais profitables pour certaines entreprises (Raffinerie ELF au Gabon - qui ne fonctionnera jamais -, basilique de Yamoussoukro en Côte dIvoire, corruption des partis politiques français par le principalement par le biais de leur financement et des « pots de vin »). Ainsi, en Afrique, le catéchisme missionnaire a été remplacé par un catéchisme économique. On peut largement sinquiéter du rôle joué par les Institutions Financières Internationales qui, quasisystématiquement, ferment les yeux sur lactivité résultant du pillage économique méthodiquement perpétré par les multinationales. On peut aussi sétonner de leur constance à sintéresser uniquement à la réduction des services publics et à laugmentation de leur prix daccès pour des populations particulièrement démunies. Malheureusement cette forme de prédation des richesses repose non seulement sur le pillage des ressources, mais génère une activité criminelle : en Sierra Léone, des fonds issus des plans dajustement structurel du FMI ont servi à financer en partie une société de mercenaires « Executive Outcome ». Quant à la Banque Mondiale, elle a fait de même en Angola Comme quoi le bon fonctionnement de léconomie de prédation doit être garanti, même au prix du sang. En Afrique, au cours de ces dernières décennies, les sociétés de mercenaires, les polices privées se sont considérablement développées, les 385 entreprises situées dans 64 pays et produisant des armes légères ont largement profité de cet aspect de la mondialisation financière. Avec le terme « dethnicisation » on a atteint le sommet en matière de rideau de fumée pour gommer les responsabilités des puissances du Nord, que ce soit en Sierra Leone, au Soudan, au Zaïre, au Rwanda ou en Somalie : On peut sétonner de leffort irrésistible de nos Etats occidentaux, comme la France ou les Etats-Unis visant à se disculper tout en intervenant fréquemment pour étendre leur zone dinfluence géostratégique, économique ainsi que certains intérêts vitaux (pierres et métaux précieux, pétrole, uranium ). En matière de néo-colonialisme basé sur la prédation économique - on la déjà vu - les Etats-Unis sont bien placés et lexemple de lAmérique Latine est particulièrement effroyable. Les mouvements sociaux ont déjà une longue et douloureuse expérience de cette guerre faite aux pauvres au nom de la lutte contre la drogue. En Colombie les paysans, placés dans l´impossibilité de vivre de leur terre et soumis aux nouvelles politiques agraires ou dexportation, ont été conduits à cultiver la coca. Il ont dû subir la répression de l´armée colombienne, puis la répression américaine qui comprenait aussi lutilisation de larme bactériologique, entraînant la destruction des cultures de coca et pas seulement celle ci : soit plus de 200 000 morts et 2 millions de personnes déplacées au cours de ces deux dernières décennies. Toutes ces exactions ont, bien sûr profité aux gros exploitants et aux multinationales dans le domaine de lagro-alimentaire, qui ont trouvé ainsi une façon dutiliser ces terrains gagnés. En parlant des Etats-Unis les sud-américains nhésitent plus à parler de « démocratie génocide », avec cette violence qui s´exerce par les assassinats, les intimidations, les spoliations que doivent subir les militants syndicalistes ou les populations indigènes, au Venezuela, en Bolivie, au Brésil et plus particulièrement à Alcantara où les Américains entendent installer une base de missiles et expulsent les populations de leurs terres. Un syndicaliste colombien - présent à Porto Alegre - évoquait pour lan 2000 le chiffre de 80 personnes assassinées en Colombie en moyenne par jour, en raison de leur engagement politique. III Du concept de protection des territoires on a basculé dans celui de la sauvegarde dun système : Si, au début du XXème siècle, les conflits armés concernaient presque uniquement des luttes de territoires, dés la fin de la seconde guerre mondiale on est passé à des luttes dinfluences pour savoir quel bloc (occidental ou soviétique) allait lemporter. A lOuest nous avons vu la construction dun discours sur le thème « économie de marché = démocratie ou liberté ». A la fin de la guerre froide on a entendu que le capitalisme libre échangiste serait facteur de paix dans un monde sans frontières où il ny aurait pas deux pays, sur lesquels on trouve des « Mac Do », qui saffronteraient . Cependant, depuis 1990, les Etats-Unis ont mené plus de soixante interventions militaires hors de leur territoire, contre 50 durant la longue période allant de 1945 à 1990. On peut donc sinterroger sur ce qui fait courir les soldats américains après leffondrement des puissances de lEst : depuis la guerre du Golfe, à défaut de construire un modèle fondé sur la paix et le respect du droit international, nous avons de plus en plus dérivé vers un système fondé sur un monde hiérarchisé et dominé par lunilatéralisme américain. Par « monde hiérarchisé », il faut voir le rôle de larmée américaine dont la mission est de sintéresser aux intérêts vitaux, rôle qui consiste, non seulement à la défense du territoire des Etats-Unis mais aussi à la protection de tous les systèmes qui permettent aux plus grosses multinationales du monde de sapproprier les richesses et de continuer à le faire : protection des marchés financiers, protection des réseaux dénergie et protection par rapport aux classes dangereuses (les victimes de la mondialisation) telles sont les nouvelles doctrines de défense dominantes. Aux autres Etats - soi disant alliés - dassurer les fonctions subalternes, comme de mener des opérations de maintien de lordre dans des espaces géographiques prédéfinis car, là, il ne sagit pas dintérêts intéressant de trop près les grands groupes multinationaux. Ainsi, par cette nouvelle conception des politiques de défense, les intérêts économiques se retrouvent au cur des politiques étrangères. Aujourdhui, léconomie cest finalement la continuation de la guerre par dautres moyens ! Nest-il pas inquiétant de vivre dans un monde aussi dangereux où les protectionnismes se mélangent à la libéralisation totale des échanges au gré des rapports de force dans ce que lon appelle la géo-économie ? IV Evolutions de lindustrie américaine darmements et relance de la course aux armements : A la fin de la guerre froide, et dès 1986, on assiste à une baisse des budgets de larmée américaine. Durant les années 90, cette situation va entraîner une profonde restructuration de lindustrie darmement. Mais, si lon y regarde de plus près, les dépenses aux Etats-Unis ont diminué beaucoup moins quailleurs lors des années 90 (-21% aux USA contre 69% dans les pays de lancien Pacte de Varsovie). Cette conversion des budgets sest faite vers linnovation technologique au détriment des emplois et des infrastructures. Il faut aussi relativiser cette baisse en tenant compte de la multiplication des recherches dapplications militaires vers le civil. De cette période, la suprématie américaine est sortie renforcée, et en 1999, les Etats-Unis représentaient 36% des dépenses militaires mondiales, contre 3% pour la Russie. En 1993, lindustrie darmement américaine sest caractérisée par le retour puis lemprise des actionnaires, et trois grands groupes émergeront : Loocheed Martin, Boeing et Raython. Dans larmement, les fonds de pension et les fonds mutuels trouveront un système dintérêts lucratifs. Dans les restructurations, ces grands groupes, nouvellement créés, trop gros pour tomber en faillite bénéficieront de lEtat qui financera des plans de restructurations, servant finalement à supprimer des emplois. Dans cette même logique de la financiarisation de lindustrie darmement, on peut aussi évoquer le très grand pouvoir des grands groupes darmements américains sur les partis politiques: ainsi, ces groupes de ventes darmes ont versé, pour les élections présidentielles de 1996, 13,5 millions de dollars aux Républicains et 4, 8 millions de dollars aux Démocrates. Ces chiffres ont été largement dépassés en 2000. Ny a til pas de meilleur investissement que celui de détenir une entreprise dont le principal client (lEtat) est directement sous son emprise ? La hausse des budgets darmements se transforme directement en gain pour les actionnaires, au détriment du contribuable. Curieux paradoxe des libéraux qui, durant des années, ont poussé à la liquidation des services publics parce que lEtat aurait été trop dépensier et qui prônent maintenant la gabegie en matière de défense pour se faire toujours plus dargent. De 1992 à 1997 laugmentation des cours des actions dans larmement a été très supérieure à lensemble des autres grands groupes industriels. Lindustrie darmement bénéficie de fondements solides : ils reposent, au grés des conflits et de la guerre contre le terrorisme, sur la hausse des budgets militaires et la libéralisation des marchés darmements. Elle se débarrasse dailleurs de plus en plus des contraintes onusiennes qui seraient dintégrer des critères de respect de la démocratie et des droits de lhomme en matière de ventes darmes. En 1958 Eisenhower sinquiétait déjà du danger du complexe militaro-industriel Dans la nouvelle course aux armements que nous vivons, celui-ci sest enraciné dans léconomie et la société américaines, et la hausse des dépenses militaires pour les multinationales sinscrit comme une garantie contre la baisse de la consommation des ménages. V LOTAN bras armé de la globalisation et transatlantisation des industries darmement : A la chute de lempire soviétique, beaucoup dhommes politiques, en France et en Allemagne sautorisaient à évoquer lidée dune grande Europe qui irait de lAtlantique à lOural. Mais cétait sans compter sur le scepticisme des Américains et sur leur capacité à déterminer leurs besoins propres sur le continent européen, tout en y imposant leur propre rythme. Avec cette emprise des Etats-Unis sur lEurope, on peut expliquer aisément pourquoi lélargissement de lOTAN vers les pays de lEst sest réalisé bien avant celui de lUnion Européenne. On peut aussi sinquiéter de la capacité des Etats-Unis à imposer leurs propres politiques à lEurope. Ils arrivent, par ce biais-là, à accroître leurs positions pour vendre des armes à lEst, à se lancer à la conquête du contrôle du continent eurasiatique et àsouvrir la route du pétrole qui passe par les anciennes républiques soviétiques dAsie Centrale. On peut remarquer laubaine que constitue, pour les USA aujourdhui, la guerre contre le terrorisme qui permet de développer leurs bases militaires dans la région. Regardons comment la guerre en Tchétchénie na guère perturbé lacheminement du pétrole à travers son territoire. Ce qui frappe dans le discours des hommes politiques européens daujourdhui, cest plutôt laffirmation de liens très étroits entre lEurope et les Etats-Unis. Si lon en croit par exemple les propos dAlain Richard sur la Défense « le projet européen sert à revitaliser lAlliance Atlantique » et, pour Javier Solana, « des relations transatlantiques solides et une défense collective sans faille de ses membres sont fondamentales ». On le voit, une vraie complicité existe entre Européens et Américains. Pour les grands groupes industriels de larmement cette connivence correspond aussi à une convergence dintérêts économiques et nous participons malgré nous à une intégration économique transatlantique croissante : liens financiers et commerciaux entre les grands groupes multinationaux, même idéologie ultra-libérale tournée vers le marché et les privatisations. Cette convergence dintérêts se retrouve dans une complicité des grands groupes multinationaux pour exercer leur emprise sur les institutions internationales aussi importantes que lOMC, le FMI et la Banque Mondiale par le biais de gens désignés par les représentants que nous élisons. Il existe aussi des clubs très influents où les questions militaires ont toute leur place : il sagit par exemple du groupe Bilderberg où lon peut sentir un certain esprit de groupe entre ces global leaders de la mort même si une concurrence effrénée existe entre eux, comme on peut le voir sur la question de lacier ou dans la rivalité entre Boeing et Airbus. Lautre caractéristique de ce lien entre les USA et lEurope est bien celui de la suprématie imposée par les premiers qui, en matière de transfert de technologies, font la différence entre les « très bons élèves » (Danemark, Norvège, Angleterre ), « les moyens élèves pas terrible » comme la France où les « Etats voyous » appelés encore « axe du Mal ». Cette suprématie du « Bien absolu » sexprime aussi par la capacité quont les Américains de dicter leur politique aux Européens : relance des dépenses en matière de défense, adoption des doctrines de défense du département dEtat des USA dans la perspective deffectuer certaines missions auxiliaires. L objectif, manifestement visé par les élites américaines, est bien entendu, de garder la supériorité technologique en matière darmement et dasseoir leur prétention à être les maîtres du monde. VI Guerre informationnelle pour la maîtrise des espaces et guerre de linformation pour la maîtrise des opinions : Pendant la guerre froide, les militarocrates américains rêvaient dun bouclier anti-missile appelé encore « Guerre des étoiles ». Après la fin de la guerre froide, ce programme na certainement pas été abandonné mais réadapté à la nouvelle donne géostratégique pour se transformer en un « système de défense antimissile de théâtre ». Ce projet pour les USA implique une relance de la course aux armements, une maîtrise totale de lEspace et donc de saffranchir de plusieurs traités internationaux. Lentremêlement des autorités civiles et militaires dans le développement des autoroutes de linformation rend curieusement, les systèmes de défense vulnérables. Le Pentagone, dans son attitude de garder la main sest orienté vers un programme de contrôle de lintervention de tous les cybernautes de la planète : le flicage global a commencé. Cette volonté de contrôle, on la retrouve aussi au niveau des médias avec cette idée que la guerre doit être aussi vendue à lopinion publique. Les plus grands groupes américains de larmement comme Boeing, LoockedMartin ou Raython, comme par hasard, contrôlent déjà la majorité des médias américains. En France, la situation est tout aussi catastrophique, avec ce processus de concentration des médias autour de grands groupes darmement comme Dassault ou Matra Lagardère. VII - ConclusionA Porto Alegre, bon nombre de militants saccordaient à penser quon allait vers un processus où de plus en plus les mouvements sociaux seraient amalgamés à du terrorisme. Dans ce contexte où les dominants se situent plus dans la négation des droits de lhomme et la négation du droit international, le combat des mouvements sociaux se situe au plus près des revendications qui visent lamélioration des conditions de vie des populations au quotidien Dans un contexte où la misère et loppression poussent de plus en plus à laction violente légitime, quels moyens le mouvement social aura til pour situer sa lutte sur le terrain des valeurs, qui dépassent en qualité celles du modèle libéral, tout en évitant le piège de la criminalisation et de la répression ? Guillaume
Bertrand
|