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Photo G.B. : José Bové et Leïla Shahid répondent aux questions des journalistes quelques minutes avant le meeting à l'Athénée Municipal de Bordeaux - Samedi 6 octobre 2001

Trait d’union entre la mondialisation de la solidarité et la reconnaissance des droits du peuple palestinien

A l’Athénée Municipal de Bordeaux, le 6 octobre 2001, le Collectif 33 de solidarité avec la Palestine, organisait un meeting avec la projection du film* « Voyages en Palestine » retraçant les missions civiles pour la protection du peuple palestinien, composées de militants français, palestiniens, israéliens, italiens, américains...L’occasion pour José Bové et Leïla Shahid de montrer la cohérence entre les luttes des résistants à la globalisation financière et celles des jeunes militants palestiniens.

José Bové : J’ai fait partie de la première mission en Palestine qui est partie en juin et comprenait des militants du MIB (Mouvement Immigration Banlieues), de Droits Devant, du Syndicat de la Magistrature et de la Confédération Paysanne. Nous n’acceptions plus de rester passifs face à cette guerre de la domination du colonialisme libéral. Même si nous luttons au quotidien, en France, contre les méfaits de la mondialisation économique, nous ne devons pas laisser pour autant la population palestinienne à son propre sort.Nous avons une expérience collective dans le mouvement social et, en lien avec les comités Palestine, nous avons réfléchi au montage d’une mission civile de soutien au peuple palestinien. L’autre aspect important de cette mission était de montrer qu’il y a aussi bien une société civile palestinienne qu’une société civile israélienne qui luttent, toutes les deux, contre la colonisation subie par les Palestiniens. Michel Warchawski lutte depuis des années pour le peuple palestinien. En tant qu’Israélien il a demandé à ses compatriotes de refuser de servir dans l’armée comme à l’occasion de la guerre du Liban : il a été emprisonné pour cela. Nous avons aussi été avec des rabbins reconstruire des maisons palestiniennes qui avaient été détruites par l’armée israélienne. Notre mission ne s’inscrit pas dans le hors-sol, elle s’inscrit bien dans la lutte pour les droits fondamentaux du peuple palestinien. Cette coopération avec eux est aussi porteuse d’espoir pour reconstruire la Palestine une fois libérée de l’occupation Israélienne. C’est pourquoi nous sommes sans ambiguïté pour notre soutien au peuple palestinien.

Quand on se rend sur place, on a vraiment le ventre noué. En tant que paysan, j’ai été frappé par la situation des agriculteurs expulsés de leur terre et la vision des oliviers - qui sont vraiment un élément essentiel de l’agriculture en Palestine - arrachés par les militaires israéliens. De plus, les villes sont coupées les unes des autres, les gens doivent subir sans cesse des humiliations, la population palestinienne est enfermée dans des ghettos pendant que les colons israéliens jouissent de l’usage des routes. On assiste véritablement à une mort lente par la tentative qui consiste à décourager les Palestiniens de vivre sur leur terre.

En circulant sur une route, nous avons dû subir un contrôle de police et, après cela, des colons israéliens sont arrivés dans une trentaine de voitures pour nous insulter et nous faire peur. La vie au quotidien c’est les checkpoints où l’on retrouve des queues interminables d’ouvriers palestiniens qui doivent, chaque jour, attendre des heures, sans avoir l’assurance de passer pour se rendre à leur travail. Nous avons bien affaire à un colonisateur qui opprime tout un peuple. Le plus grand scandale est cette politique de colonisation, qui tend à rendre impossible toute résolution du conflit par la création d’un état palestinien. Le territoire laissé aux Palestiniens est sectionné par « petits bouts » avec des statuts différents suivant les endroits. Jérusalem-Est est aujourd’hui complètement enfermée.

Aujourd’hui, je suis le premier à dénoncer les attentats mais comment ne pas s’insurger aussi vivement contre une situation où un peuple doit subir le colonialisme et la négation de ses droits. Nous devons défendre l’application de la résolution des Nations-Unies concernant les territoires palestiniens, et contribuer à faire en sorte qu’un mieux-vivre ensemble sur place soit possible.

Israël est une sentinelle avancée de la colonisation libérale. Ce combat doit s’inscrire dans la grande lutte contre la domination du monde par l’idéologie libérale. Il est dangereux de laisser les Palestiniens face à Israël sans relier leur lutte à la lutte contre le libéralisme. Dans le traité d’Oslo une très grande partie du texte aborde les accords économiques qui ont été signés avant toutes les autres parties. Israël, comme les Etats Unis, avaient besoin de ce traité pour assurer une stabilité économique et s’inscrire dans une logique de transferts financiers. La Banque Mondiale a joué un rôle important pour financer ce processus qui a permis au PIB d’Israël de croître de 50% et de faire entrer ce pays dans le processus de libre échange. Parallèlement à ce mécanisme une logique de développement de nouvelles entreprises s’est mise en place à proximité des territoires occupés afin de jouir de la main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci des Palestiniens. C’est ce même processus qui se produit à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis où les sociétés exploitent la main-d’œuvre latine peu fortunée du Sud. La lutte pour les droits du peuple palestinien s’inscrit dans la lutte contre la mondialisation financière, dans la mesure où il s’agit d’instaurer un principe : celui d’un véritable partage des richesses économiques entre les Israéliens et les Palestiniens.

Leïla Shahid : Oslo a été le premier processus de négociation mis en œuvre après la chute du mur de Berlin. Israël a voulu, avec la complicité du monde, accorder aux Palestiniens le minimum de droits. L’Europe a été responsable du génocide des juifs. Et la meilleure façon d’assumer un tel passé est de faire en sorte que le peuple Israélien vive en paix, et cela sans que le peuple palestinien en subisse les dépens. Qu’on le veuille ou non, Israël fait partie de l’Europe ( sports collectifs, concours Eurovision...), c’est la 8ème puissance économique du monde, et la 4ème puissance militaire. Il ne peut y avoir, pour les Palestiniens, d’économie souveraine sans Etat souverain. Le plus grand scandale est bien celui de l’acceptation par les Etats occidentaux de cette situation de négation des droits et le silence complice sur cette situation d’apartheid.

En 53 ans, les pays arabes ont accepté le principe qu’il y ait un Etat israélien. Mais les Israéliens refusent toujours qu’il y ait un Etat palestinien et un partage de la capitale, Jérusalem. Le 11 septembre, un événement majeur s’est produit, constituant un séisme international. Au-delà de la dénonciation du terrorisme, il faut en tirer des leçons. Le monde occidental a tourné le dos aux forces démocratiques des pays arabes en ne traitant qu’avec les gouvernements. Moi aussi je peux dire que les gouvernements des pays arabes ne sont pas démocratiques, et que la lutte et le vécu du peuple palestinien peuvent contribuer à faire progresser les Droits de l’Homme dans le monde arabe. Le projet de partenariat Euro-Méditerranée est symptomatique de cette situation où la société civile est écartée de toute négociation et, dans ce cadre-là, la Palestine peut être cet élément de démocratisation des pays arabes.

La Maison d’Orient, à Jérusalem-Est était le symbole du dialogue israélo-palestinien, et le prétexte de l’attentat dans une pizzeria a suffi comme justification pour sa fermeture. Les forces de l’ordre israéliennes ont profité de l’occupation pour en piller le contenu, les meubles, et même les actes de propriété concernant bon nombre de Palestiniens de Jérusalem-Est.

Propos recueillis par G.B. lors du meeting.

*Ce film documentaire est réalisé par Samir Abdalah – 60 min. – production l’yeux ouverts – septembre 2001. Il peut être commandé au prix de 250F l’adresse suivante : L’Yeux Ouverts – BP 624 – 92006 NANTERRE Cedex – T/F 01 49 29 71 48 – Mail : palestine@noos.fr

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