La Maison des Droits de l'Homme à "Lire à Limoges"
La descente aux enfers nucléaires

 

 


Camille Saïsset et Ben Cramer sur le stand de la Maison des Droits de l'Homme
à "Lire à Limoges"

Le salon du livre "Lire à Limoges" se tenait du 1er au 3 avril 2005 au Champ de Juillet. La Maison des Droits de l'Homme présente cette année avait  invité Ben Cramer et Camille Saïsset  auteurs du livre "La descente aux enfers nucléaires". Ce choix se plaçait aussi en perspective du  procès de la COGEMA qui devrait débuter le 24 juin prochain à Limoges. Ce procès  concernera les conditions de l'exploitation, du stockage de déchets et l'abandon des sites de l'ancienne division minière de la Crouzille dans le Nord de la Haute-Vienne.

Il faut préciser qu'il y a environ 10 ans, une pré-étude avait été réalisée par le laboratoire indépendant de la CRII-RAD qui avait pointé un certain nombre de problèmes concernant la dissémination de matières radioactives tant dans l'air que dans l'eau et le risque de contamination de la chaîne alimentaire.

Si ce problème pour les habitants de la Haute Vienne pose en premier le du droit à un environnement sain et le respect de notre santé, il renvoie aussi à d'autres questions plus globales :
- Dans quelles conditions la filière nucléaire s'est t'elle développée en France et dans quelle mesure les citoyens sont impliqués dans les processus de décision au niveau de la politique énergétique du pays ?
- Comment la mondialisation concerne aussi la filière nucléaire au point que les mines du Limousin ont fermé mais que dans un même temps la COGEMA à consolidé son activité en développant l'extraction du minerais au Niger là où la main d'oeuvre est moins chère et les normes en radioprotection moins contraignantes.

Ci-dessous l'interview de Camille Saïsset pour nous parler du site de Bure (en Champagne) qui pourrait devenir le premier site d'enfouissement de déchets hautement radioactifs :

Pourquoi avoir écrit un livre sur le site de Bure ?

Les opinions françaises semblent divisées entre le "pour" et le "contre" le nucléaire. J'ai voulu comprendre comment cette industrie arrive à générer un tel manichéisme des esprits, en étudiant le processus en cours d'enfouissement de déchets nucléaires issus de nos centrales électriques, quelque part entre la Meuse et la Haute-Marne. Nous avons porté notre regard en le plongeant dans le passé et dans l'avenir, par souci de mémoire et de compréhension des raisons passées et futures qui nous amènent à cette finalité liée à la relance actuelle du parc nucléaire français.

Pour l'instant, le site de Bure est appelé "Laboratoire", quels problèmes scientifiques pose-t-il ?

Il pose des questions scientifiques d'ordres plus ou moins complexes. Posons le problème au plus simple. Il faut 50 ans pour refroidir les déchets de combustibles irradiés lorsqu’ils sortent des centrales avant de pouvoir les enfouir dans le sous-sol. L’exploitation du nucléaire civil en France a commencé au début des années 70. 1970 + 50 = 2020. Elémentaire mon cher Watson. 2020, c'est à cette date que commencera le stockage des déchets dans le sous-sol de la terre de Bure, comme l'indique le dernier rapport de l'OPECST1 qui précède la future loi sur les déchets nucléaires. Mais le problème est complexe si l'on considère qu'il s'agit là de prouver que l'argile de Bure est suffisamment stable, imperméable etc. pour confiner les déchets nucléaires durant des milliers voire des millions d'années. L’Andra2  fait travailler une centaine de laboratoires de recherche scientifique pour prouver que oui. Mais quand d'autres scientifiques posent un regard critique sur ses résultats, les avis divergent ! Sur des éléments aussi simples que le risque sismique, les modes de déplacement possibles des radioéléments dans l'argile ou la stabilité du concept de fermeture des alvéoles de stockage... Avant de répondre par l'affirmative, il faudrait d'abord équiper le site de Bure d'instruments de mesure capables de détecter les tremblements de terre qui se sont produits récemment à proximité. Et faire des recherches avec de vrais déchets nucléaires dans la vraie couche d'argile ! C'est en tous cas ce que conclu l'expertise des travaux de l'Andra menés par l’IEER3 à la demande du CLIS4. Et quid du risque pour la population et l'environnement si des fuites de radioéléments se produisaient ? Ah bien sûr, si la gestion des déchets nucléaires ne pose pas de problème sanitaire comme l'écrit Areva, cette question n'a pas lieu d'être ! Le fait est qu'elle n'est pas posée.

Le site de Bure pose-t-il d'autres problèmes ?

Le site de Bure pose aussi des questions d'ordre démocratique, voire de respect des Droits de l’Homme. Si dans les années 80 la population  s'est soulevée aux quatre coins de France contre l'implantation d'un site de stockage de déchets nucléaires, le choix géographique de Bure n'est pas tombé du ciel. Une route départementale le relie à deux autres sites de stockage de déchets nucléaires peu radioactifs et il se situe à proximité du site militaire de Valduc. Si en 1994, les élus locaux se sont prononcés en faveur de l’implantation d’un laboratoire, ils ne se sont pas engagés pour un stockage de déchets radioactifs. C'est pourtant ce qui se profile pour eux aujourd'hui. Et si à l’heure actuelle sur le plan national les gens ne se sentent pas concernés, sur le plan local la population est plus que jamais sensible au problème, luttant contre les sentiments de fatalisme, d'impuissance et d'isolement. Du coup, certains d'entre eux, y compris des élus, partent sur les routes de Jeanne d'Arc à la rencontre des autres pour recueillir leur avis. Un référendum local, en quelque sorte. Un outil de démocratie participative sans valeur juridique créé par nécessité par ceux qui demandent à être entendus et à exister dans ce processus de décision qui concerne tous les français. Bien sûr, nous pourrons tous nous prononcer. A l'automne 2005, dans le cadre d'un débat organisé par la CNDP5. Mais sur quoi ? Sur ce que l'on va faire des déchets nucléaires issus de nos centrales... Une question sur laquelle des chercheurs planchent depuis 15 ans et que l'OPECST a déjà statué ! Si nous avons écrit "La Descente aux enfers nucléaires, mille milliards de becquerels dans la terre de Bure", c'est pour que les français sachent que les dés sont jetés et que le tour se joue à Bure.

1 - Opects, Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques http://www.senat.fr/opecst/o2001-94.html
2 -  Andra, Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs http://www.andra.fr/sommaire.php3
3 - IEER, Institut pour la Recherche sur l’Energie et l’Environnement - Washington USA http://www.ieer.org/
4 – Clis, Commission Locale d'information et de suivi du laboratoire de Bure http://www.clis-bure.com/
5 - CNDP, Commission Nationale de D
ébat Public http://www.debatpublic.fr/

Les auteurs :

Ben CRAMER, journaliste et polémologue, ex-producteur de l'émission Fréquence Terre sur les ondes de Radio France International, auteur du Nucléaire dans tous ses Etats - éd. A l i a s .

Camille SAÏSSET, journaliste scientifique diplômée en physique nucléaire et rédactrice free-lance dans le secteur de l ’ environnement.

Pour en savoir plus :

- Coordination nationale contre l'enfouissement des déchets nucléaires http://burestop.free.fr
- Rapport de l'IEER sur les recherches menées sur le site de Bure : http://www.clis-bure.com

 

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