11 et 12 avril 2003 - Université du Mirail - Toulouse
2ème Forum Social du Grand Sud

par Guillaume Bertrand - Avril 2003

Introduction

Migrants Médias et guerre Aux détours du forum Perspectives La manif Liens

Les médias, la guerre, la désinformation...


Le samedi après midi, les nombreux ateliers se tenaient dans les salles de cours en préfabriquées dispersées à travers le parc de l'université du Mirail. Ceci, 18 mois après l'explosion de l'usine AZF

Parmi les très nombreux ateliers organisés dans le cadre de ce deuxième Forum Social du Grand Sud, Henri Maler philosophe et militant d'ACRIMED* était chargé de traiter du thème des "médias et la guerre".
Ainsi on pourrait synthétiser de cette façon, ce qui est ressorti de la discussion : globalement, les médias mentent toujours autant, même s'ils ont changé leur façon de mentir depuis la précédente guerre du golfe, méfiance oblige.

S'il est vraiment trop excessif de prêter de mauvaises  intentions à beaucoup de journalistes : On constate aujourd'hui, que le traitement de l'information est influencé de façon déterminante par ceux qui disposent des moyens de communiquer sur la guerre et de la promouvoir : l'administration américaine  a multiplié à foison l'organisation des conférences de presse s'imposant d'emblée dans la hiérarchie de l'information et produisant une saturation d'images sur la guerre bien reprises par la plupart des médias.

Il faut dire que dans ce contexte, les plus grand organes de diffusion d'information ont parfaitement joués leur rôle en procédant à une légitimation de la guerre par son propre récit et ont montré une grande fascination pour celle-ci : les villes envahis sont désignées comme des villes sécurisées, personnification du conflit et diabolisation de certains protagonistes, redondance des infos même quand il n'y a rien à dire.

Sur ce point il est spectaculaire de citer TF1 qui a montré dans cette guerre une fascination pour sa propre puissance : mise en spectacle de la guerre, déploiement de plus d'une vingtaine d'équipes de reporters, redondance des infos, production d'infos à propos du dispositif déployé, brouillages d'informations par l'emploi alternée de l'indicatif et du conditionnel pour parler de la même chose.

A propos du "Conditionnel" on pourrait refaire un historique sur l'emploi de celui-ci dans les différentes guerres :

- Au Kosovo nous avions droit au conditionnel majoré: la plupart des médias annonçaient des dizaines de milliers de morts, voir les centaines de milliers de morts kosovars alors qu'ils n'étaient que quelques milliers (c'était déjà beaucoup !).

- En Afghanistan on nous a servis le conditionnel minoré : exemple "25 personnes auraient tués de source taliban", aujourd'hui il est plus que certain que le nombre de victimes, dans ce pays, dépassent largement le nombre de celles du World Trade Center.

- Désormais nous sommes dans un conditionnel qui conditionne : Il laisse entendre que nous disposons d'une grande quantité d'informations  et en vérité nous manquons d'éléments d'information sur la réalité des faits tels qu'ils se produisent.

Il faut relever un autre phénomène  important de cette offensive contre l'Irak :  la dépolitisation du débat sur la légitimité de la guerre une fois qu'elle s'est déclenchée. On peut sur ce point s'étonner du rôle joué par la presse écrite française (trois quotidiens sont livrés à la discussion : Le Monde, Libération, Le Figaro) qui d'une manière générale s'est très fortement opposée à la guerre avant qu'elle soit déclenchée, mais qui s'est plutôt abstenue de le faire une fois les hostilités déclenchées. Plus grave encore,  ils se sont érigés  en prescripteurs d'opinion : " les manifestants risquent de sombrer dans l'anti-américanisme", alors qu'avant la guerre ces même manifestants étaient désignés de "pro Chirac". On peut s'interroger sur les effets de propagande produits par les médias dans une guerre où l'armée française n'était même pas engagée. Dans le cas contraire qu'elle aurait été leur rôle ?
On aurait pu espérer de la presse écrite une présentation des arguments en présence d'un côté comme de l'autre, ce qui n'a malheureusement peu prévalu.

On peut aussi s'interroger sur le rôle assumé par les experts sur les plateaux de télévisions ou de radios : il faut s'enlever de l'idée que les experts sont censés éclairer le débat. Ils sont principalement recrutés pour légitimer le travail des journalistes. Que dire du crédit des experts à la télévision qui détaillaient chaque jour la guerre en trois scénarios : ça va aller très vite, ça va aller moins vite, ça va aller très lentement ? On se retrouve finalement, deux semaines plus tard, dans un cas de figure qu'ils avaient très vaguement décrits entre les scénarios 2 et 3 et qui combinent des éléments que l'on retrouvait dans les trois scénarios.

Un aspect particulièrement frappant est apparu : l'ethnocentrisme des médias occidentaux. Nous avons à faire à un système de précaution à géométrie variable : les victimes civiles sont transformées en bavures (terme qui relativise) tandis que les journalistes sont victimes de tires délibérés. Sur un autre point les médias utilisent le terme de "monde musulman". La coalition représenterait t'elle le monde chrétien ? Certains sont allés jusqu'à ressortir le terme d'alliés sans doute par nostalgie... Sur ce point l'avènement  des chaînes de télévision arabes comme Al Jazira a pu apporter heureusement un éclairage très différent du conflit

Les médias sont confrontés aux réalités financières d'aujourd'hui : un groupe de presse rentable pour perdurer doit formater ses produits pour des consommateurs et non des citoyens. Paradoxe de la guerre : Berlusconi, à travers les télévision qu'il détient, a choisi de faire service minimum sur la guerre  pour ne pas ennuyer le téléspectateur, tandis que TF1 a préféré jouer sa crédibilité à long terme en montrant la guerre par "tous les bouts". Dans les deux cas, cela doit rapporter du "pognon" soit entre 10 et 15% pour les actionnaires. Jean Pierre Pernaud de TF1 a réussi la performance de tenir sept heures d'antenne en directe pour dire "Surprise, ils n'ont pas bombardé massivement, ils ont bombardé sélectivement". On a pu voir aussi quelques jours plus tard un groupe d'une centaine d'irakiens enthousiastes transformé en "mouvement de liesse". Question : il en fallait combien dans les rues de Paris pour mériter le même qualificatif ?

Quelles batailles à mener pour une information qui se voudrait libre et pluraliste ?

Pour avoir une critique efficace sur les médias d'aujourd'hui, il est important de sortir du paradigme du complot et de la manipulation. En réalité l'opinion publique, c'est ni des chiots, ni des éponges. Les journalistes sont confrontés eux aussi à une crise d'identité et une crise idéologique. Ce qui est terrible dans les médias c'est leur pouvoir de légitimation : il est légitime de qualifier d'anti américain tout ce qui s'oppose  à la guerre sauf peut être Chirac.

- Il y a une bataille à mener en faveur du service public audiovisuel où malgré tout des journalistes luttent encore pour une certaine qualité de l'information.

- Il faut bien entendu promouvoir les médias alternatifs tout en ayant conscience qu'ils auront tendance à reproduire les mêmes défauts que les médias principaux mais réduit à leur taille. Autre problème un média alternatif comme Indymédia et loin d'être en capacité de couvrir un conflit armé tel que l'invasion américaine en Irak.

- Aujourd'hui le mouvement alter mondialiste a besoin de se construire des médias alternatifs suffisamment efficaces pour peser dans l'opinion publique. Au delà de média estimables tels que Politis, Témoignage Chrétiens, le Monde Diplo... un grand média populaire reste à créé. C'est en passe d'être fait en Italie où le milieu associatif tente de trouver une réponse alternative face à la toute puissance de Berlusconi.

Il est intéressant de comparer la carence de couverture par les médias depuis 10 ans des accidents de travail avec l'importance prise par la mort accidentelle d'un journaliste tel que Patrick Bourras même si l'on peut rendre hommage à sa disparition.

- Aujourd'hui il faut véhiculer une autre conception du journalisme que celle qui consiste à véhiculer des informations en une minute et trente secondes. Il faut savoir que bien des journalistes critiques refusent le système dominant en ayant réussi à se trouver une niche de subsistance (comme Daniel Mermet à France Inter). Malheureusement, eaucoup d'autres journalistes de convictions sont des journalistes défroqués, mais essayent toujours de produire des articles tout en vivant d'autre chose.

En fin de discussion Henri Maler en a profité pour préssenter ACRIMED (Action Critique Medias) et l'importance de l'existence de cet observatoire en France des médias pour apporter de façon constante une analyse véritablement critique sur le fonctionnement de ces derniers.
Voir site http://acrimed.samizdat.net


Pour bientôt peut-être un nouveau média alternatif à Toulouse. C'est ce que semble indiquer cette affiche qui appelle les bonnes volontés à se manifester pour créer un site Indymédia Toulouse


Ce stand témoigne de la présence d'une télé alternative citoyenne et non marchande sur Toulouse.

Pour en savoir plus :
www.tv-bruits.abri.org

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